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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/589

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ce que l’amitié me commande, puis qu’il a voulu ou permis pour le moins, que j’aye aymé ; ou ceux qui permettent quelque chose doivent en souffrir tout ce qui en depend, et qui niera que la miserable vie que je traine ne soit une dependance de cest amour ? Et quant à ce qui me touche, celuy-là se peut-il dire amant qui a des yeux pour voir autre chose que ce qu’il aime ? Ah ! mon pere, c’est sans doute que j’ayme, et c’est sans doute aussi que je suis aveugle pour moy, pour mes troupeaux, pour mes parents, et pour tout le reste des hommes. Car je n’ay des yeux que pour celle à qui je suis. Si le Ciel, comme vous dites, m’a laissé en ma puissance, pourquoy.me demanderoit-il compte de moy-mesme, puis que, tout ainsi qu’il m’avoit remis en ma propre conduite et disposition, de mesme me suis-je entierement resigné entre les mains de celle à qui je me suis donné ; et partant, s’il veut demander conte de Celadon, qu’il s’adresse à celle à qui Celadon est entierement. Et quant à moy, c’est assez que je ne contrevienne en rien à la donnation que j’en ay’ faite. Le Ciel l’a voulu, car c’est par destin que je l’ayme. Le Ciel l’a sceu, car dés que j’ay commencé d’avoir quelque volonté, je me suis donné à elle, et ay tousjours continué depuis. Et bref, le Ciel l’a eu agreable ; autrement je n’eusse pas esté si heureux que je me suis veu