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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/610

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la luy remit entre les mains, mais non sans l’avoir baisée plus d’une fois, et l’accompagnant tousjours de l’œil comme la regrettant desja. Le druide, l’ayant quelque. temps considerée : Vrayement, dit-il, mon enfant, ta folie est belle, et faut advouer que je ne crois pas qu’il y ait visage plus beau, ny auquel il se lise une plus grande modestie d’amour, ny une plus douce severité. Heureux le pere qui a un tel enfant ! Heureuse la mere qui l’a eslevée ! Heureux les yeux qui la voyent, mais plus heureux celuy qui aymé d’elle la possedera !

A ce mot il la remit en sa boite, avec promesse de la rapporter bien tost, ce qu’il fit dans cinq ou six jours.

Ce fut en ce lieu qu’Astrée et sa troupe entrerent et virent tant de vers et d’escritures de Celadon, car depuis le berger s’y plaisoit de sorte qu’il estoit tousjours ordinairement devant l’image de sa bergere, et Tadoroit de tout son cœur, et selon que diverses imaginations luy venoient, il les escrivoit et les mettoit comme pour offrande sur l’autel de la déesse Astrée. Et ce fut ce berger et Adamas que Silvandre rencontra la nuict discourant ensemble, car le druide par cette frequentation l’ayma de sorte qu’il oublioit presque toute autre chose, et de mesme le berger se sentoit tellement obligé à l’assistance qu’il recevoit de luy, qu’il l’honnoroit comme son pere. Leonide