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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/612

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Le soleil ne paroissoit point encores, lors que de fortune il adressa ses pas. du costé où estoit ceste trouppe. Et parcequ’il s’en alloit tout en ses pensées, sans prendre garde à ce qui luy estoit autour, jamais homme ne fut plus estonné que luy, .quand tout à coup il apperceut Astrée. Elle avoit un mouchoir dessus les yeux qui luy cachoit une partie du visage, un bras sous la teste, et l’autre estendu le long de la cuisse, et le cotillon, un peu retroussé par mesgarde, ne cachoit pas entierement la beauté de la jambe. Et d’autant que son corps de juppe la serroit un peu, elle s’estoit deslassée, et n’avoit rien sur le sein qu’un mouchoir de reseul au travers duquel la blancheur de sa gorge paroissoit merveilleusement. Du bras qu’elle avoit sous la teste, on voyoit la manche avallée jusques sous le coude, permettant ainsi la veue d’un bras blanc et potelé, dont les veines, pour la délicatesse de la peau, par leur couleur bleue, descouvroient leurs divers passages. Et quoy que de cette main elle tinst sa coiffure qui la nuict s’estoit destachée, si est-ce que pour la serrer trop negligemment, une partie de ses cheveux s’estoit esparse sur sa joue, et l’autre prise à quelques ronces qui estoient voisines.

O quelle veue fut celle-cy pour Celadon ! Il fut tellement surpris qu’il demeura immobile sans poulx, et sans haleine, et n’y avoit en luy autre signe de vie que le battement