Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/64

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le vis tel, j’augmentay de beaucoup l’amitié que je luy avois portée ; car auparavant, si je l’avois aymé, ce n’avoit esté qu’en consideration de la proximité qui estoit entre nous, et pour la recommandation que mon oncle m’en avoit faite, mais quand à son retour je le trouvay tant aimable, il est certain que je mis en luy tout ce qui me restoit d’amitié. Et parce que n’ayant jamais esté marié, je n’avois point d’enfans, je fis resolution de luy remettre apres moy tous mes trouppeaux et tous mes pasturages, qui peut-estre ne sont pas à desdaigner. Et à fin de l’obliger à quelque reciproque bien-veillance envers moy, je ne me contentay pas d’avoir fait ce dessein en moy mesme, mais le luy declaray, et le fis sçavoir à tous mes parens et voisins. Et parce que je prévis bien que,demeurant en ma cabane, il estoit impossible qu’il ne vist la belle nourriture de la sage Cleontine, et que peut-estre, il l’aymeroit sans sçavoir mon intention, je la luy dis avec tres expresses deffenses de ne la regarder que comme frere. Avec mille soumissions et mille serments, il me jura qu’en cela, ny qu’en toute autre chose il ne me desobeyroit jamais, ny ne feroit chose qu’il pensast me déplaire. Et toutesfois la lune n’avoit point encore parachevé un cours entier, que le voilà tant épris de Celidée, que n’osant le déclarer ny à elle ny à moy, ny à autre qui me le peust dire, apres avoir languy quelque temps, il fut contrainct de se