Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/660

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quand je voudray rire, permets que je rie, et que je me taise, quand je ne voudray pas parler, et j’en feray de mesme te laissant en tes humeurs : avec ceste franchise, nous vivrons tous deux bien contens, et sans guiere de peine. – Ah ! ma maistresse, dit-il, que je vous ayme ! mais plustost que je vous adore, puis que vous estes de ceste humeur ! Je ne pensois pas en pouvoir jamais rencontrer une telle. Et en disant ces paroles il luy tenoit les jambes embrassées, et la vouloit porter en ses bras, dont elle se deffendoit. Chacun rioit de voir la peine de Phillis et l’humeur du berger. Et cependant Leonide et Chrisante, ayant trouvé un lieu qui leur sembloit commode, prindrent leurs places ; car quant à Paris, il estoit tousjours aupres de Diane, qui n’estoit point un petit desplaisir à Silvandre, n’osant l’approcher pour le respect qu’il luy vouloit rendre. Cela fut cause qu’estant privé du bien de sa parole, afin d’avoir celuy de sa veue, il fut contraint de se mettre vis à vis d’elle. Et lors chacun s’estant assis, Palemon et Adraste choisirent leur place au devant de Doris, où ils se mirent tous deux à genoux, sans vouloir s’en oster, quoy que la nymphe ou la venerable druide leur puissent dire. En fin la bergere commença de parler en ceste sorte par le commandement qui luy en fut fait.

Histoire de Doris, et Palemon