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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/661

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J’ay tousjours eu ceste opinion, grande et sage nymphe, et vous, venerable Chrisante, que s’il y avoit quelque chose entre les hommes qui les peust obliger les uns aux autres, ce devoit estre l’amitié ; et si cela est vray ou faux, j’en laisseray le jugement à celles qui ont esté aymées. Tant y a que suivant cette croyance, apres l’avoir esté longuement de ce berger, je pensay d’estre en quelque sorte obligée de luy rendre amitié pour amitié. Il est vray que comme d’ordinaire, les commandements sont tousjours peu de chose, à la naissance de cette bonne, volonté, je ne jugeois pas qu’elle peust jamais devenir telle que je l’ay depuis ressentie. Mais elle prit insensiblement une si profonde racine par une longue conversation que, quand je m’en apperceu, il ne fut plus en ma puissance de m’en deffaire ; et par ainsi je l’aimay de façon que, s’il m’avoit rendu la premiere preuve de son affection, je luy tesmoignay depuis mon amitié en tant de sortes que, comme je ne voulois point douter de la sienne, aussi ne le pouvoit-il de celle qu’il desiroit de moy pour le moins avec la raison. Toutesfois je ne sçay comment pour mon malheur,