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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/677

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des nonchalances, qui helas ! n’estoient qu’en son opinion. Elle dit qu’en ce temps-là je ne demeurois guiere aupres d’elle. Quand je considere ce reproche, il faut en fin que j’advoue que toutes les actions peuvent estre soupçonnées contraires au dessein de celuy qui les fait, puis que les effets mesmes qui s’en produisent, ne sont le plus souvent apperceus de ceux qui y ont le plus d’interest. Si je vous demande, ô belle Doris, quelle opinion vous avez eue de moy dés le commencement que ma fortune m’appella prés de vous, pour ne vous contredire, je m’asseure que vous avouerez que je vous ay aimée et servie avec autant d’affection que jamais berger ait peu aymer ou servir. Or maintenant, n’ayez point desagreable, je vous supplie, que devant ceste grande nymphe, et ceste venerable druide, je vous conjure de dire quelle a esté la bergere pour qui je vous ay changée, et à qui vous m’avez veu rendre du devoir, ou seulement l’avez ouy dire. Que si vous n’en sçavez point, et si vous confessez que mon affection n’a point esté distraite ailleurs, pourquoy vous plaignez-vous, et pourquoy avez-vous soupçonné mes actions tout au contraire de mon dessein ? C’estoit, ce me semble, tres-mal conclure à vous ? Palemon m’a aimée, mais parce qu’il ne me voit pas si souvent que de coustume, il ne m’ayme plus. Tant s’en faut, n’estiez-