Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/679

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caché dans les antres les plus retirez, et quelquefois dans le plus haut des montagnes, tellement seul que rien que mes pensées ne pouvoient me trouver ; mais elles ne tenoient aussi si bonne compagnie qu’elles me contraignoient bien souvent de mettre en lieu d’où je peusse voir l’endroit de sa demeure, me semblant que les heureuses murailles où elle estoit, me rapportoient une espece de consolation qui n’estoit pas petite, sans que rien me retirast de ceste sorte de vie, non l’amitié de mes voisins, non le devoir de mes parens, non le soucy de mes troupeaux bien aymez, ny bref que l’on peust dire de moy, sinon le seul desir de sa veue dont je jouissois tous les jours une fois, mais si peu de temps, à mon grand regret, que quand je m’en retournois, il me sembloit que je ne faisois que d’y arriver. Et toutesfois celle qui se deult de ceste vie, en estoit la seule cause, et l’extreme affection que je luy portois m’empeschoit de la luy desouvrir.

Or, sage et grande nymphe, j’ay tousjours eu ceste opinion que celuy qui ayme comme il doit, doit avoir plus cher l’honneur de la personne aimée que le contentement qu’il en peut retirer. La malice des hommes mal pensants n’ayant jamais esté si foible, qu’elle n’ayt tousjours trouvé sujet de s’emploier où il luy a pleu, ne luy fit en ce temps-là plus de grace à nostre