Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/680

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amitié qu’elle a accoustumé de faire à toutes les autres plus remplies de vertu, de sorte que nostre ordinaire frequentation fut desapreuvée, et donna sujet à ces malins d’en parler assez mal à propos, si sourdement toutesfois que les autheurs de ces impostures, quelque diligence que j’y employasse, me furent tousjours de sorte incognus, que je ne pus trouver à qui m’en prendre. Que pouvois-je faire en cela ? D’entreprendre un bien long voyage ? je n’estois pas maistre entierement de mes actions ; de cesser de l’aymer ? j’eusse plustost cessé de vivre. Puis donc que notre trop grande pratique estoit celle qui donnoit quelque apparence de verité à leur medisance, à quoy me devois-je plustost resoudre qu’à l’interrompre pour quelque temps, et à payer ainsi plustost aux despens de mon contentement que de sa reputation la faute de ces meschantes ames ? Que si elle se plaint que je ne luy en aye rien dit jusques à cette heure, qu’elle se plaigne aussi que je l’ay trop aymée, car veritablement ç’a esté pour l’avoir trop aymée, que j’ay plustost choisi de me priver du bon heur de sa veue, voire mesme la laisser en doute de mon affection, que de luy dire l’occasion qui me faisoit vivre avec elle de ceste sorte, de peur de luy faire part de l’ennuy que j’en ressentois, sçachant assez qu’elle qui avoit tousjours si curieusement conservé sa