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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/690

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ay de luy faire service. J’ay souffert ses desdains, j’ay patienté que son amitié devant mes yeux fust toute à un autre. La longueur du temps ne m’a point diverty de mon dessein, ses rigueurs ne m’en ont point distrait, et je n’ay peu toutesfois jusques icy lui faire changer la moindre de ses cruatez. Je sçay que les deffaveurs qu’elle me faisoit estoient par elle mises en compte de faveurs à Palemon, qu’ensemble ils se sont mocquez de mon amour et de ma patience, et que trop cruellement elle m’a mesprisé. Mais à quoy m’a servy ceste cognoissance, sinon à rendre ma vie plus fascheuse, et à rengreger d’avantage mes insupportables desplaisirs ? Car ils ont esté tellement inutiles à me divertir de son service, que plus j’y rencontrois de difficultez et de peines, plus se renforçoit la violence de mon affection. Dieux ! qu’un homme attaint de ce mal est peu sage ! et combien a-t’il peu de pouvoir de rechercher guerison, puis que mesme sa volonté n’y peut consentir ! Tous ceux qui me conseilloient contre amour, estoient mes ennemis declarez, et quoy que l’esperance mesme ne peust trouver place parmy mes desastres, mon affection toutesfois s’est-elle changée ? s’est-elle lassée ? ou seulement s’est-elle allentie ? Nullement, grande nymphe : j’aymerois mieux la mort que de diminuer ma flame de la moindre estincelle qui me brusle. Elle m’a veu souvent fondre en pleurs devant