Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/691

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elle, elle m’a veu tomber à ses pieds hors de sentiment. Mais ny mes pleurs, ny ma prochaine mort, n’ont rien d’avantage acquis envers elle, qu’un mespris et une mocquerie, de laquelle un juste ressentiment m’eust peu faire prendre vengeance sur Palemon, si mon amour eust peu consentir que j’eusse voulu desplaire à ceste cruelle. Mais ceste passion de vengeance estoit trop foible pour me porter à semblable dessein, et quelque opinion qu’elle ayt de moy, si sçay-je bien qu’elle ne peut en rien reprendre mon affection, et que sans outrecuidance je me puis donner le nom veritable D’AMANT SANS REPROCHE : Car la jalousie n’a jamais trouvé place en mon ame, comme elle a fait en ce trop aymé berger, ny jamais je n’ay, seulement avec le penser, trouvé nulle de ses actions mauvaises. Amour me soit tesmoing que mesme les rigueurs que j’en recevois m’estoient cheres, quand je me ressouvenois qu’elles estoient agreables à ceste belle Doris. Et encores que je n’aye point esté tant disgratié en mes autres fortunes, que quelque bergere peut-estre ne m’ayt regardé de bon œil, si suis-je tres-asseuré que je n’ay point rendu de foibles tesmoignages de ma fidelité. Aussi Amour pour ne laisser tant de desdains impunis, et pour n’abandonner entierement sans secours une amour si