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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/692

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innocente et pure que la mienne, (encores certes que ce n’a pas esté à ma requeste, car je ne luy demanday jamais vengeance, mais assez de patience seulement) a permis, comme je croy, qu’elle ayt ressenty des amertumes, dont elle m’abreuve depuis si long temps, par le divorce d’elle et de ce berger. Mais avant que Palemon l’ayt aymée, depuis qu’il l’a aymée, quand il s’en est eslogné, et quand il est revenu, qu’elle die si elle n’a pas toujours veu une extreme affection en moy, et si jamais elle a recogneu ceste affection alterée pour quelque traittement qu’elle m’ait faict. J’ay esté le premier qui l’ay servie, je suis le seul qui ay tousjours continué, et comment que je sois traicté, je seray le dernier qui conserveray ceste volonté, pour le moins ce sera celle qui m’accompagnera dans le cercueil. Je ne luy remets point ces choses devant les yeux pour le reproche, mais pour la verité seulement ; verité toutesfois que je voudrois bien vous pouvoir representer avec des paroles qui luy donnassent de moins fascheuses souvenances, car telles appellé-je celles de mes services passez pour elle. Et encor que sa cruauté ayt esté telle envers moy, si faut-il que je l’excuse en quelque sorte, puis qu’estant engagée à Palemon, elle eust peut-estre offensé sa fidelité de faire autrement ; mais à ceste heure