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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/694

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ny moy l’entendement d’en pouvoir comprendre quelque chose. Si bien que ce qu’il m’en dit, ne m’esmeut non plus qu’une personne à qui la chose ne touchoit aucunement. Depuis il fit un voyage assez long, et à son retour il trouva que je n’estois plus mienne, m’estant desja donnée à Palemon. De sorte que si à la premiere fois il avoit eu occasion de se plaindre de mon ignorance, à la seconde il en avoit bien d’avantage de se douloir de mon trop de cognoissance. Mais de moy nullement ; car vous plaignez-vous, berger, que n’estant point capable d’amour, je ne vous aye point aymé ? Accusez-en la nature, accusez-en les ordonnances ausquelles elle nous a soubmises. Et trouvez-vous estrange que je ne vous puisse aymer quand ma volonté n’est plus mienne ? Il faut que vous en fassiez de mesme de ce que je n’ay qu’un cœur, que je n’ay qu-’une ame, et qu’une volonté. Mais vous pouvez avec plus de raison vous plaindre (et c’est, ce me semble, la seule plainte que vous devez faire) que vous soyez venu vers moy trop tost, et que vous y soyez retourné trop tard, parce que quand vous dites que je ne vous ay jamais regardé qu’avec desdain, et que j’ay esté si retenue à vous favoriser, si vous preniez bien mes actions, vous cognoistriez que vous m’avez plus d’obligation en cela, que si j’avois faict autrement.