Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/695

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Car si vous eussiez receu quelque satisfaction de moy, jugez à quelle extremité vostre amour fust parvenue, puis qu’ayant usé envers vous de tant de rigueurs, vous la ressentez toutesfois si grande. Et vous ressouvenez, Adraste, que les faveurs que vous eussiez receues de moy, eussent esté plustost rengregement que soulagment de vostre mal. Outre que mesmes elles ne vous pouvoient estre accordées sans beaucoup offencer la sincere amitié que j’avois promise à Palemon.

Que si j’advoue qu’il soit juste d’aymer qui nous ayme, je ne dis pas qu’il soit injuste de n’aymer pas tous ceux qui nous affectionnent ; autrement il n’y auroit point de fidelité ny d’asseurance en amour ; et vous-mesme, s’il estoit ainsi, devriez estre obligé de rendre à la bergere Bybliene qui meurt pour vous, un amour reciproque. Mais j’ay bien voulu dire qu’une fille, se trou- vant libre de tout autre affection, peut sans reproche aymer celuy qui l’ayme, s’il n’y a point d’autre occasion de haine que ceste amour : or, en ce qui se presente entre vous et moy, il n’y a rien de semblable, puis qu’estant engagée ailleurs, je ne pouvois faire une nouvelle amitié avec vous sans la ruine de celle que j’avois desjà. Si je vous l’ay dissimulé, ou si je vous ay entretenu de paroles, plaignez-vous de moy, car ce sera avec raison ; mais si je vous en ay tousjours parlé fort franchement, que ne recognoissez-vous l’obligation que vous m’en avez ? Et ne vous arrestez point à publier