Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/696

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celles que je vous ay pour m’avoir si longuement aymée : ne vous ay-je pas mille fois supplié, conjuré, voire commandé, autant que j’ay eu d’authorité sur vous, que vous missiez fin à ceste affection ? Et lors qu’avec plus de violence je vous en ay requis, ne m’avez-vous tousjours respondu que vous le feriez, si vous pouviez vivre et ne m’aymer point. Si vous avez continué, n’a-ce point esté pour vostre consideration, et non pas pour la mienne ?

Mais, grande et sage nymphe, voicy, selon que j’ay peu considerer par ses parolles, ce qui l’a d’avantage deceu. Il a pensé sans doute que l’affection que je portois à Palemon estoit la seule cause qui m’empeschoit d’avoir chere la sienne, et d’effect il n’a point sçeu plustost les dissentions de ce berger et de moy, qu’incontinent le voylà enflé d’esperance de parvenir à ce qu’il avoit tant desiré, et pour n’en perdre l’occasion, m’a tellement pressée depuis ce temps-là qu’avec raison je le puis plustost dire mon ennemy que mon amy, voire, si la discretion ne m’en empeschoit, plustost importun que serviteur. Mais il a bien esté deceu par cette opinion, et n’a pas consideré que jamais cette amitié ne se perdroit, que je ne perdisse ensemble tellement toute puissance d’aymer, qu’il ne seroit plus en moy d’en ressentir les effects. Ainsi paracheva Doris, et Adraste vouloit repliquer, luy semblant d’avoir beaucoup de raisons