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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/719

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pour faire service à celles qu’ils ayment, font bien paroistre le contraire, et n’as-tu jamais ouy dire que nous vivons plus où nous aymons qu’où nous respirons ? – C’est ce que je ne croiray jamais, respondist Hylas, tournant dédaigneusement la teste de l’autre costé, tous ces discours ne procedent que de quelques imaginations blessées comme la tienne. – J’advoue, dit Silvandre, que ces discours viennent de quelques imaginations blessées, mais celle d’un amant, ne l’est-elle pas ? Malaisément, si cela n’estoit, nous verroit-on mourir de desplaisir pour la moindre parole que l’on nous dit, pour un clin d’œil, voire un soupçon ? Malaisément, nous verroit-on desdaigner tout repos, et toute autre contentement pour jouir un moment de le veue de la personne aymée ? Mais si tu sçavois, Hylas, quelle felicité c’est d’affoler pour ce sujet, tu dirois que toute la sagesse du monde n’est point estimable au prix de ceste heureuse folie. Que si tu estois capable de la comprendre, tu ne me demanderois pas, comme tu fais, quels plaisirs reçoivent ces fideles amants que tu nommes mornes et pensifs, car tu cognoistrois qu’ils demeurent de sorte ravis en la contemplation du bien qu’ils adorent, que, mesprisant tout ce qui est en l’univers, il n’y a rien qu’ils plaignent plus que la perte du temps qu’ils employent ailleurs, et que leur ame n’ayant assez de force pour bien comprendre