Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/72

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de quelles contrarietez mon ame fut combatue ? je n’estime pas que cela se puisse, puis qu’en verité je crois que l’entendement m’eubt tourné, si je ne me fusse promptement resolu. D’un costé l’amitié me demandoit Celidée pour Calidon, d’autre costé l’amour me deffendoit de la donner. Mais, me disoit l’amitié, Calidon mourra si tu ne la luy donnes, et il n’y a point de remede que celuy-là. Et l’amour respondoit : Et comment penses-tu de pouvoir vivre toy-mesme, si tu ne la possedes ? Dont, disoit l’amitié, est-ce ainsi que tu te laisses surmonter à une vaine passion, et veux plustost que de luy contrarier, contrevenir aux lois de la raison ? – Mais quelle raison, disoit l’amour, te peut commander que tu meures pour faire vivre quelqu’autre ? ne faut-il pas appeller cela brutalité ? – Est-il possible, repliquoit l’amitié, que tu ne consideres pas que Calidon est jeune, et par consequent en un aage qui ne peut resister à ses passions ? et toy qui as desja passé ces premieres fureurs de la jeunesse, veux-tu te monstrer aussi foible que luy, ou pour mieux dire, veux-tu achetter un peu de plaisir qui se passera aussi promptement qu’il aura esté receu, par la miserable et eternelle mort de Calidon ? Ah ! change, change de dessein, et considere non pas quel tu es, mais quel tu devrois estre. Escoute les reproches que le pere de ce jeune berger te fait : Est-