Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/75

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cette sorte, parce que l’aage luy ayant donné plus de cognoissance qu’elle ne souloit avoir, il ne falloit plus traitter avec elle comme un enfant. je luy representay le desplaisir que j’avois du mal de ce berger; combien sa vie m’estoit chere, et en fin que je n’aurois jamais plaisir si je le perdois, que les mires, et tous les plus scavans me disoient que son mal ne procedoit que de tristesse, mais que ne scachant quel en estoit le subjet, je ne pouvois que prier tous ceux qui m’aymoient de s’estudier à le resjouyr, ou à recognoistre la source de son mal, et qu’elle estant celle que j’aymois et honorois le plus, elle estoit en quelque sorte obligée plus que tout le reste du monde de rechercher à ma consideration la guenson du berger ; que cela eçtoit cause que je la conjurais par toute nostre amitié, de le voir le plus souvent qu’elle pourroit, et de jouer et passer le temps avec luy, afin de le divertir de cette melancholie qui le faisoit mourir. Elle qui ventablement m’aymoit, me promit de le faire toutes les fois qu’elle auroit la commodité, et en effect n’y manquoilt point, dont je recevois d’un costé du contentement, mais de ’autre tant d’ennuy, que je ne sçay comment je pouvois vivre. J’avois eu opinion que la fadiliant qu’elle auroit avec luy l’engageroit à quelque bienvueillance, et qu’apres il seroit plus aysé de changer ceste amitié en amour ; et