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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/750

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Et combien te contraindra-t’il de conserver ceste vie tant indigne et de tes actions et de ton courage ? Toy qui as, le cœur si plain d’outrecuidance que d’avoir levé les yeux à l’espouse d’un Cesar, qui as eu le courage pour la venger et ton amour aussi, de tremper tes mains dans le sang d’un autre, en auras-tu maintenant si peu que tu puisses vivre et voir ta chere Eudoxe entre les mains d’un Vandale qui l’emmené dans le profond de l’Afrique, et pour triomphe, et pour saouler, peut-estre, son impudicité ? O Dieu ! comment souffrirez-vous que ceste beauté qui veritablement ne doit estre sinon adorée, soit indignement la despouille d’un si cruel barbare ? Si l’outrecuidance de l’Empire Romain vous a despieu, si les vices de la miserable Italie vous ont offencé, je ne trouve pas estrange que vous l’ayez mise en proye aux Huns et aux Vandales, et que Rome mesme, riche des despouilles de toute sorte de gens, soit maintenant saccagée par toute sorte de gens, car il est bien raisonnable qu’elle leur rende avec usure ce qu’elle leur a ravy. Mais, ô dieux ! comment souffrez-vous que ceste beauté qui estoit divine, coure maintenant la fortune des plus miserables choses humaines ? Et tu le sçais ? Ursace, et tu l’as veu devant tes yeux, et tu n’es pas mort ? Et tu te vantes encores d’estre ce mesme Ursace Romain, qui as esté aymé de ceste divine Eudoxe; et qui as vangé et delivré l’Empire et ceste belle,