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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/767

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l’artifice dont il a usé de ce faux druide. – Et quoy ! Silvie, me dit-elle, en se moquant de moy, vous croyez encores q’ue Leonide vous ayt dit vray ? Ne cognoissez-yous pas que ce fut une menterie qu’elle inventa pour me distraire de Celadon afin de le posseder toute seule ? Or je vous apprens, si vous ne le sçavez, qu’elle en estoit tellement amoureuse, qu’elle ne pouvoit presque souffrir que je le regardasse ; et si elle eust eu autant de puissance sur moy, que j’en ay sur elle, ô qu’elle m’eust bien empeschée de n’entrer jamais en lieu où il eust esté ! Et quoy ? m’amie, vous n’avez point pris garde à ses actions, et comme lors qu’elle le voyoit, elle le mangeoit des yeux, s’il faut dire ainsi, ne le pouvant assez regarder, et s’ennuyoit tellement de nous voir aupres de luy, qu’elle en mouroit de jalousie ? Je vous asseure que j’ay quelquesfois passé mon temps à considerer les diverses passions qu’elle ressentoit. Je la voyois maintenant toute en feu, et puis incontinent devenir pasle et sans couleur. Quelquesfois il n’y avoit à parler que pour elle, et puis tout à coup elle se taisoit, de. sorte’qu’il sembloit qu’on luy eust osté la voix, ou là langue. Je l’ay si souvent surprise qu’elle avoit les yeux sur luy, qu’en fin je ne prenois plus la peine de la regarder, mais seulement me moquois d’elle quand je la voyois en cette extase, tel se peut nommer son ravissement. Et pensant de m’en retirer du