Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/77

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une mere qui I’aymnoit infiniment, et sans laquelle elle n’en pouvoit disposer, qu’elle luy en parleroit ; et que cependant elle y disposeroit Celidée le plus qu’il luy seroit possible. Voyez, madame, quelle estoit ma miserable fortune : je recherchois avec tous les artifices que je pouvois inventer, de me priver du seul bien qui me peut rendre la vie agreable, et prevoyois bien, que quoy qu’il m’en arrivast, je n’en pouvois avoir du contentement. Si j’obtenais ce que je recherchois pour Calidon, quelle vie pouvois-je esperer ? Et si je ne l’obtenois point, combien m’affligeoit le desplaisir et la peine de ce berger, qui ne m’estoit pas moins cher que s’il eust esté mon enfant ? Estant donc en cest estat, que je ne sçay si je dois nommer mort, ou vie, apres avoir eu la response de Cleontine, un jour que je trouvay Celidée, par ce que je ne vivois plus si familieremerit avec elle que je soulois, je luy dis : Ma belle fille, Cleontine m’a declaré un dessein qu’elle a, il me semble que vous point rejetter. Et craignant qu’elle ne me demandast toit, je feignis d’estre pressé de quelque affaire, et ainsi la laissay fort en doute. Mais je partis avec bien plus de peine, effort que je fisse contre ma volonté, si ne la pouvois-je desraciner de mon ame, et toutes les fois que je me representois Celidée entre les bras de quelque