Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/78

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autre, il faut que j’advoue que je n’avois point assez de resolution pour soustenir seulement ceste pensée. Voyez quel je fusse devenu, si ce mariage eust eu l’effet que veritablement je recherchois pour le salut de Calidon ! Il advint donc que Cleontine croyant que ce que j’avois proposé estoit advantageux pour Celidée, la tirant à part le luy proposa, et avant que luy en demander son avis, luy dit quel estoit le sien, et afin de le fortifier davantage, luy fit entendre qu’elle m’avoit, ceste obligation, puis que ç’avoit esté rnoy qui luy en avois parlé. Cette bergere, madame, vous pourroit dire mieux que je ne sçaurois faire, quel sursaut elle receut de ces paroles, et mesme quand elle sceut que ceste proposition venoit de moy. Tant y a que ce fut tout ce qu’elle peut que de celer sa colere en presence de Cleontine, a laquelle ayant respondu fort modestement, et toutesfois au plus loin de sa pensée, elle remit cette resolution à son jugement, et à la volonté de sa mere, à laquelle elle ne contreviendroit jamais ; puis se retira en son apart, où je croy qu’elle ne parla pas mal à moy.

En fin estant resolue d’espouser plustost le cercueil, que Calidon, elle me vint trouver. Je jugeay bien, d’abord que je la vis, qu’elle avoit quelque chose qui la troubloit, car les yeux luy trembloient dans la teste, elle avoit