Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/810

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piteux spectacle. Mais jugez quelle fut la veue que Celidée eust quand on rapporta son mary et son nepveu, comme s’ils eussent esté morts ! De fortune, lors qu’on voulut oster de dessus une eschelle Calidon pour l’emporter plus à son aise dans une chambre, il revint, et voyant tant de peuple autour de luy, et qu’il estoit couvert du sang de Thamire, il ne sçavoit que penser, et luy sembloit de resver. Mais quand il vid emporter son oncle qui n’avoit point encores de sentiment, avec cette grande playe à la teste, s’imaginant que quelqu’un l’eust blessé, il se releve porté de la furie, et demande qui est le meurtrier, et prenant à ses pieds un cailloux, tenoit le bras relevé comme prest d’en assommer celuy qui auroit faict cest homicide ; mais quelques-uns de ses parens, le rapaisant, luy firent entendre comme le tout s’estoit passé. Comment, s’escria-t’il, c’est donc moy qui ay faict ce parricide ? Il n’est pas raisonnable que je n’en face aussi bien la vengeance, que si c’estoit un estranger, voire d’autant plus grande que je luy ay plus d’obligation. Et à ce mot, il se leva le bras pour se frapper de la pierre contre la teste, mais ceux qui estoient qupres de luy furent prompts à courre au coup ; et les uns luy retindrent le bras, et les autres luy firent tumber la pierre de la main, et le saisissant des deux costez, ne l’abandonnerent plus qu’il ne fust un peu remis.

Cependant Thamire, par les cris de Celidée,