Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/809

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ennuyeux. Car, sans seulement la regarder, il demandoit d’ordinaire des nouvelles de Calidon ; mais voyant qu’il n’en pouvoit avoir de bonnes : Il faut, dit-il, que je le voie et s’il est mort pour le contentement que j’ay, que je meure pour le desplaisir qu’il a eu.

Et se jettant de furie à terre, s’abilla à moitié, et courut à demy nud au lieu, où le pauvre Calidon estoit estendu de son long, ressemblant tout à faict à une personne morte. D’abord chacun luy fit place, tant pour le respect qu’on luy portoit que pour la compassion qu’on avoit de son dueil, qui devoit estre grand, puis qu’il luy faisoit laisser Celidée, et desdaigner le bien qu’il avoit si longtemps, et si ardamment desiré. Soudain qu’il vit Calidon, ayant opinion qu’il fust mort, il se laisse choir dessus si mal à propos, que donnant du front contre une pierre quarrée, sur laquelle on avoit appuyé la teste de Calidon, et rencontrant par mal’heur le trenchant, il se la fendit si avant que le sang incontinent luy en retumba par le visage, et en demeura esvanouy. Ceux qui estoient autour de Calidon, oyant le coup que Thamire s’estoit donné, eurent bien opinion qu’il se fust blessé, mais non pas tant qu’il estoit ; et n’eust esté qu’ils le virent si long temps sans mouvement, et qu’il ne parloit point, ils n’y eussent pris garde que bien tard.

Le cry se redoubla, et les clameurs de ceux qui voyoient ce