Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/825

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celle qui a deshonoré et diffamé la beauté de ton visage ? En proferant ces paroles, elle la baisoit et la serroit entre ses bras, pleine de tant de passion, qu’oubliant ce qu’elle devoit à sa qualité de druide, elle se relascha de telle sorte à la douleur qu’elle sembloit une personne hors d’entendement.

Celidée de qui les plaies envenimées s’estoient bouffies, et endolues de façon qu’elle en avoit la fiévre, supplia d’une voix basse sa tante de la laisser en repos, et qu’elle sçauroit qui l’avoit mise en cest estat, quand Thamire, et Calidon seroient venus. On envoia incontinent chercher les mires, et presque en mesme temps Thamire adverty de l’estat où estoit Celidée, s’en vint courant en sa chambre. Mais quand il la vid, il demeura immobile, et les bras nouez l’un dans l’autre, ne donnoit autre signe de vie, que celuy des pleurs qui luy tomboient des yeux. En fin revenu en luy-mesme : Est-ce Celidée, dit-il, que je vois en cet estat ? Les dieux ont-ils consenty, et un cœur humain, a-t’il pû penser à une si grande cruauté ? Et quelque tigre sous la figure d’un homme l’aiant imaginée, et quelque malin demon y aiant consenty, quelle cruauté a jamais eu assez d’inhumanité pour l’executer ? Celidée se tournant doucement vers luy : Amy Thamire, luy dit-elle, console-toy ; que si tu as perdu le visage de Celidée, elle t’a conservé pour le moins tout le reste, et si tu veux me promettre