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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/841

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me retiray soubs un gros buisson, qui est sur le carrefour de ces chemins qui se croizent aupres de nostre hameau. Il est si touffu, qu’encores que le grand chemin le touche, si est-il impossible d’y estre veu, et toutesfois on peut voir aysément ceux qui vont et viennent. Apres avoir longuement entretenu mes pensées, le sommeil m’y surprit, de sorte que je ne m’esveillay que quand le soleil estoit desja prest de se cacher ; et faisant dessein de me retirer, je voulus premierement voir qui estoit dedans la prairie, à fin d’eviter la rencontre de Phillis. Et de fortune j’apperceus Astrée, et elle, qui estant demeurées seules le reste de la journée dans leurs cabanes, s’en venoient prendre le frais en ce lieu. Je vis d’un autre costé Silvandre, qui les suivoit, pensant comme je croy que Diane ne tarderoit pas beaucoup de les venir trouver. Je me recachay soudain sous ce buisson, desireux de voir ce qu’ils feroient, pensant bien qu’ils me donneroient de nouvelles connoissances de leur amitié.

Mais il advint que Silvandre, les voyant assises de l’autre costé du buisson où j’estois, et se voulant mettre au milieu d’elles, Phillis quitta la place et s’eslongna quinze ou vingt pas d’eux. J’ouys alors qu’Astrée l’appelloit, et que Silvandre l’en suplioit: ô que ces paroles me faisoient de cuisantes blesseures ! Phillis toutesfois n’y venoit point et monstroit d’estre fort mal satisfaite