Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/842

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du berger ; mais au lieu que cela me devoit contenter, c’estoit ce qui m’offençoit le plus, sçachant qu’entre les amants, il y a d’ordinaire de ces petites querelles, qui ne sont que des renouvellemens d’amitié. Elle estoit à quinze ou vingt pas d’eux, comme je vous ay dict, et se promenoit seule sans vouloir les approcher, dont Silvandre au commencement ne faisoit que sousrire ; mais en fin, il ne se pust empescher d’en rire tout haut.

Phillis, qui l’ouyt, s’allumant d’une plus forte colere contre luy: Voyez-vous, luy dit-elle, Silvandre, ces façons de vivre avec moy, me convient de vous hayr plus que la mort, et croyez que je le vous rendray une fois en ma vie, ou l’occasion ne s’en presentera jamais. Le berger, luy oyant proferer ces paroles avec tant de colere, fit un tel esclat de rire, qu’il ne pust luy respondre: Continuez, continuez, disoit Phillis, fascheux berger, et ne cessez jamais de m’offencer. Peut-estre, que j’auray quelque jour le moyen d’en faire vengeance, et si alors je ne la prens, ne croyez jamais que je sois Phillis. Mais parce que le berger, la voyant en une si grande colere, de force de rire, ne pouvoit luy respondre, Astrée en fin prist la parole avec elle: Je n’eusse jamais pensé, dit-elle, que Silvandre, que j’ay tousjours recogneu si discret, et si remply de civilité parmy les bergers, voulust à dessein offencer Phillis sans subjet. Phillis, oyant Astrée, ne faillit point, selon la coustume des personnes