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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/85

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entendre la raison qui m’ a contrainct de traiter de ceste sorte avec elle, et celle qui maintenant me rappelle à son service, la supplie et conjure d’oublier la faute que la raison m’avoit fait faire ; bref, je n’y oublie, ce me semble, chose qui puisse servir à ma cause. Mais je la trouve changée de sorte qu’il n’y a excuse qui ne me soit inutile, elle se roidit contre les raisons, et demeurant opiniastre, ne m’a voulu depuis regarder d’un bon œil.

De fortune, cependant que je parlois à elle, Calidon survint , qui pensant avoir en moy un bon second, s’avança pour luy en dire quelque chose, mais quand il ouyt mes paroles, jamais homme ne fut plus estonné. Il n’osa pas d’abord me reprocher la mauvaise foy don’t je l’avois abusé, mais après avoir fait plusieurs exclamations, et s’estant retiré deux ou trios pas, pliant les bras l’un sur l’autre sur son estomac : O dieux ! dit-il, en qui desormais faut-il esperer de la preud’hommie ? Celuy qui m’a eslevé, celuy que j’appellois mon pere, et qui jusques icy m’en avoit rendu les offices, c’est luy-mesme, dis-je, qui me met la glaive dans le cœur, et qui me pousse dans le tombeau ! Je luy respondis assez froidement, en luy representant les considerations qui m’avoient fait quitter Celidée, et celles qui me ramenoient à elle. Mais d’autant que l’amour le transportoit avec