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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/84

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en mon ame sa prudence et sa fermeté. Car je pensois que tout ce qu’elle en avoit fait n’estoit que pour se conserver toute à moy, ne pensant pas que le dépit qu’elle m’avoit fait paroistre fust assez pour arracher entierement l’amour qu’elle m’avois portée ; de sorte que revenant en moy-mesme, je recogneus le tort que j’avois eu, non pas de me separer d’amitié d’avec elle (car je n’avois jamais eu cette intention, ny n’avois esperé d’obtenir cela sur moy), mais de l’avoir voulu sacrifier à la santé de Calidon : c’est ainsi qu’il faut nommer l’acte que je voulois faire. Considerant de plus que le berger oyant ce second refus, n’en estoit pas mort, je m’en disois encore plus coupable, puis que ce n’estoit pas de sa vie dont il s’agissoit, mais de son plaisir seulement. Et repassant ces considerations souvent par mon esprit, je ne me donnay garde, que mon amour devint plus violente qu’elle n’avoit esté, et cela fut fort aysé, pource que n’ayant cedé cette belle à Calidon, que pour luy conserver la vie, et voyant qu’il vivoit, encor qu’elle ne fust pas sienne , voire qu’il n’en eust point d’esperance, je pensay que toutes les raisons que j’avois eues de luy quitter, n’ayant plus de lieu, je pouvois librement reprendre les mesmes erres que j’avois laissées à son occasion.

En cette deliberation je trouve la bergere, je luy fais