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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/895

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Incontinent le ciel se noircit d’une espaisse nuée, et les ondes commencerent de s’eslever si hautes, qu’à peine estions-nous asseurez sur cet écueil, tant les flots rompus hurtoient de furie contre le dos du rocher. C’estoit une chose espouvantable de voir le jour presque changé en nuict, d’ouyr le mugissement de la mer, de sentir l’ebranlement du rocher par le hurt des ondes, et bref, de considerer le cahos et la confusion de tout ce grand element. Et ne faut point douter que la pluie et l’orage ne nous eussent contraints de nous en aller, si quelque bon Demon ne nous y eust arrestez.

Nous avions veu que ceste tourmente s’estoit eslevée si promptement que nous pensasmes bien que plusieurs vaisseaux en auroient esté surpris; et parce que le vent poussoit contre notre bord, nous nous resolumes d’attendre que l’orage fust passé pour voir si de fortune nous n’en pourrions point secourir quelqu’un, et toutesfois, pour nous garantir un peu de la pluie, nous nous mismes dans le reply du rocher où nous avions accoustumé de cacher nos habits quand nous nous baignions. L’orage dura plus de deux heures, et lors que nous commencions de nous ennuyer, et qu’il y en avoit de la compagnie qui parloient de s’en retourner, il sembla que le ciel s’esclaircissoit, et peu apres la pluye cessa. Nous sortismes alors