Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/896

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du rocher, et montant sur le haut de l’escueil, jettions la veue le plus loing que nous pouvions, pour descouvrir s’il n’y avoit rien sur la mer. Le vent en fin chassa toutes les nues, et le soleil commença d’esclairer, et toutesfois les ondes ne s’abaissoient point, parce que les vents continuoient aussi grands qu’ils avoient esté de tout le jour.

Et lors que nous discourions entre nous de la hardiesse des mariniers, et particulierement du premier qui hazarda de se mettre sur les eaux, combien la mer courroucée estoit espouvantable, et que l’homme sage ne s’y devoit jamais fier, il y eut un de la compagnie qui plus attentif à descouvrir la mer, qu’à nos dis- cours, parce qu’il se plaisoit de faire des preuves de sa bonne veue, se leva tout à coup sur les pieds: Et taisez-vous, nous dit-il, il me semble de voir un vaisseau. Et mettant la main sur ses sourcils, demeura quelque temps sans parler. Et lors que nous nous mocquions de luy et de sa veue: Et bien, dit-il, vous verrez promptement si je l’ay si mauvaise, et vous souvenez que voilà deux vaisseaux que le vent rompra contre nostre rocher, si Dieu ne les favorise de donner sur le sable le long de la coste.

Nous nous levasmes pour voir s’il disoit vray. Au commencement personne n’appercevoit rien, mais quelque temps apres, il y en eust qui virent quelque chose. Le vent estoit si impetueux