Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/912

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l’ay esprouvée et que si elle ne vous profite, c’est qu’Isidore y oublie quelque chose. Et à ce mot ressortant du cabinet emmena avec luy tous les chevaliers. La douleur augmentoit, et la levre commençoit d’enfler, lors que se tournant vers moy: Par vostre foy, dit-elle, Ursace, la recepte est-elle bonne ? – Je vous jure, luy dis-je, madame, par l’honneur que je vous dois, que je ne la vis jamais manquer, et suis si marry qu’Isidore ne l’ayt sceu, faire que je n’ay jamais desiré d’estre fille qu’à ce coup, pour vous rendre service. Isidore prenant la parole: Je ne sçay, dit-elle, madame, quelle difficulté vous en faites, mais si vous voyez comme la bouche vous grossit, vous ne voudriez pour quoy que ce fust que le mal passast plus outre. – Mais, dites-moy, Ursace, reprit Eudoxe, demeurerez-vous long temps à faire vostre recepte ? – Le moins que je pourray, luy dis-je, madame. Et lors m’approchant d’elle, elle se retira à l’endroict le plus obscur du cabinet, comme ayant honte d’estre veue et permit, forcée de la douleur, que je fisse mon enchantement.

Fut-il jamais sorcier plus heureux que moy ? Je dis donc les paroles sur sa levre, mais quand je la pris entre les miennes, et qu’en sucçant je la pressay un peu, j’advoue que si quelqu’un eust peu mourir de douceur, qu’Ursace ne seroit plus. Elle se retire toute rouge de honte, Voila