Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/931

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que les souspirs ne se meslassent et sortissent au lieu de la voix. Ces pleurs m’esmeurent de pitié, mais ils ne me donnerent pas une petite asseurance et n’augmenterent pas peu mon courage.

Je vous confesse, gentil Silvandre, que je n’eusse jamais esperé de reduire ceste princesse en cest estat, mais voyant plus d’amour en elle que je n’eusse creu, je pris plus de hardiesse que je n’eusse jamais pensé. Je m’approche donc d’elle un peu plus que je n’estois, et feignant de luy soustenir la teste contre mon espaule, ma bouche se rencontra justement à l’endroit de ses yeux: au commencement je n’osois les baiser, et faisois semblant que c’es-toit par mesgarde, mais voyant qu’elle n’en disoit rien, peu à peu je descendis plus bas et rencontray sa bouche, qu’elle retint longuement sur la mienne. Et parce qu’elle ne me faisoit point de deffence, je luy mis une main dans le sein, mais avec tant de transport, que je tremblois comme la fueille agitée du vent. Depuis ce temps je me suis trouvé en plusieurs rencontres, en beaucoup de grandes et diverses batailles, et en maints assauts, mais je ne fus de ma vie saisi de telle crainte qu’en ceste occasion. Elle me permit donc encores ceste privauté sans m’en rien dire, mais lors que descendant la main un peu plus bas, je la voulus mettre sous la robbe, elle me dit froidement: Que pensez-vous faire, mon chevalier ? Isidore vous void. –