Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/930

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outre, que peut-estre elle romprait le mariage de Valentinian et d’Eudoxe, afin de nous donner plus de commodité de parler ensemble, peu à peu se retira dans un arriere cabinet où en fin elle s’endormit. Je m’en apperceus incontinent, encore que j’eusse le dos tourné contre elle, parce que passant contre les flambeaux qui estoient sur la table der- riere nous, je vis son ombre contre la muraille, qui me fit remarquer qu’elle s’en alloit. La princesse qui s’estoit appuyée du coude contre le chevet du lict, et qui avoit la teste sur la main, ne s’en prit point garde, estant si attentive à ce que je luy disois que malaysément l’eust-elle peu voir, encore qu’elle eust passé par devant ses yeux. Et parce que mes dernieres paroles la toucherent fort vivement, elle demeura quelque temps sans me respondre, baissant les yeux contre terre; en fin sans se remuer, apres un grand souspir: Ah ! mon chevalier, me dit-elle, que vos paroles me percent l’ame cruellement, et que les choses que vous me representez sont difficiles à supporter ! Mais que puis-je faire ? que puis-je devenir ? Si je n’espouse Valentinian, que sera, ce de moy, et si je l’espouse, ô Dieu ! à quel supplice me vois-je destinée ? Je vis à ces dernieres paroles que les larmes luy couloient le long du visage et qu’elle s’estoit teue, pour ne pouvoir parler, de peur