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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/97

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s’en peut distraire pour m’aymer ? O Amour ! ce ne sont que paroles, ce ne sont qu’excuses, qu’elle monstre le contract de cest amour ! et si tu ne le juges incontinent faux, je veux bien estre condamné. Elle n’a jamais aymé que le berger Thamire, à ce qu’elle dit, mais je dis bien d’avantage, car soustiens qu’elle n’a jamais aymé ce Thamire. Elle l’a aymé ! En quel temps, amour ? Lors qu’elle n’estoit pas capable d’aymer. Elle l’a aymé lors qu’elle avoit les mains et le cœur empesché en ses pouppées, et que ses desires ne pouvoient outre passer les plaisirs de les habiller, de les bercer ou de les entretenir. N’est-elle pas ignorante d’amour, ô amour ! si elle appelle les opinions d’un tel aage amour ? Et d’effet, si elle avait aymé ce Thamire, ne l’aimeroit-elle point encores ? Quoy ! telles affections sont peut-estre comme les habits desquels on se despouille quand on veut, ou quand on s’en ennuye ? Ah ! puissant dieu, combine ignore-t’elle, ou plustost combine mesprise-t’elle ta puissance ? N’est-ce pas l’une de tes principales loix, Que l’amant qui peut seulement penser que quelque jour son amour finira, soit declare coulpable, mais celuy qui le pourra desirer, soit tenu pour fier enemy ? Et quelle sera donc estimée ceste bergere qui n’a pas seullement peu pensé, voire qui ne l’a pas seulement desire, mais qui en effet s’est retirée de l’amour qu’elle portoit, ce disoit-elle, à son Thamire ?