Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/96

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que tu me fais endurer pour elle ? Aussi tost que je la vis, je l’aymay, et je ne retins de moy que la volonté seule de l’adorer.

Mais peut-estre ceste affection luy a esté incogneue, j’ay raconté mon mal aux bois reculez, aux antres sauvages, ou bien aux rochers ? Nullemt, ô amour, elle a ouy mes plaints, elle a veu mes pleurs, elle a sceu mon affection, un peu par ma bouche, d’avantage par celle de Thamire, de Cleontine, et de mes amis, mais beaucoup plus par l’effet de ma passion. Ne m’a-t-elle point veu dans le lict de la mort pour avoir trop d’affection pour elle ? Ne m’a-t’elle point tendu la main comme me retirant du tombeau, voire du nombre des morts, en me disant : Vy, Calidon, tes pretentions ne sont pas toutes desesperées ? Et pourquoy ayant des-jà souffert les plus aspres douleurs qui devancent la mort, m’a-t’elle r’appellé du repos que le cerceuil me promettoit, si c’estoit son dessein de me laisser remourir sans pitié ? Comment ? sa cruauté n’estoit-elle point saoulée d’une mort, et falloit-il que pour t’avoir obey et l’avoir adorée, je fusse par elle condamné à un second trespas ? Elle dira peut-estre, qu’il faut que je la mesure à mon aune, et que je considere, que comme je n’aurois pas la puissance de quitter l’affection que je luy porte pour la mettre en une autre, que de mesme estant engagée ailleurs elle ne