Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1068

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huy vous ne le verrez, et quand il seroit icy, je vous promets qu’il n’auroit pas le mot à dire, luy estant arrivé le plus grand malheur qu’il peut avoir, et que luy-mesme s’est procuré sans y penser. – Et qui est-ce ? dit incontinent Diane. – Il faut que vous sçachiez, respondit la malicieuse Laonice en sousriant, que Paris, il y a quelque temps, rencontra un chevalier estranger qui menaçoit grandement Tersandre, et parce que Silvandre se chargea d’en advertir Madonte, ce matin il n’y a pas manqué. Et elle, craignant que quelqu’un de ses parens ne la soit venue chercher, (car elle est de l’une des meilleures maisons d’Aquitaine), elle a eu peur d’estre rencontrée, et que Tersandre estant recogneu, ne receut quelque desplaisir en sa compagnie, de sorte qu’elle s’est resolue de partir à l’heure mesme, et s’en retourner en Aquitaine, et m’a donné charge de vous venir faire à toutes ses excuses de ce qu’elle n’a peu prendre congé de vous avant que de partir, vous suppliant de l’aymer et de croire que jamais elle n’oubliera les faveurs et les amitiez qu’elle a receues le long de Lignon. Mais le pauvre Silvandre, voyant qu’elle s’en alloit, il n’a peu cacher l’affection secrette qu’il luy portoit, et premierement il a faict tout ce qu’il luy a esté possible, pour luy persuader qu’elle devoit demeurer ; et puis cognoissant que tout son bien dire estoit inutile, il luy a offert de l’accompagner, mais elle, ne voulant à ce que je croy donner jalousie à son Tersandre, l’a refusé