Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1069

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plus de cent fois. Enfin, ne pouvant obtenir ceste grace d’elle, il s’est mis à genoux, luy a embrassé les jambes avec des conjurations les plus extraordinaires que j’aye jamais ouy faire, et desquelles Madonte ne se pouvant entierement ny honnestement defaire, elle luy a permis presque par force de l’accompagner une partie du jour. – Vous pouvez bien, luy disoit-il, me permettre ce peu de temps d’estre aupres de vous, pour l’eternel desplaisir que vostre esloignement me laissera.

– Je pense, dist Astrée, que vous vous moquez de dire que Silvandre aime quelque chose, luy qui ne regarde jamais bergere que pour la fuyr. – Et qu’appellez-vous ce qu’il fait quand il est aupres de Diane ? dit Hylas. – O ! respondit Phillis, ce n’est que par feinte. – Non, Hylas, reprit Laonice, Phillis a raison : ce n’est que par feinte ce qu’il faict envers ceste bergere. Car luy-mesme l’a juré plus de cent fois ce matin, lors que Madonte sur ce propos luy a dit : Et bien, Silvandre, si mon absence vous donne de la peine, la presence de Diane vous consolera. – Diane, a-t’il respondu, merite mieux que mon service, aussi ne luy en ay-je jamais rendu que pour ne manquer à la gageure de Phillis, et pleust à Dieu qu’elle fust en vostre place et vous en la sienne ! vous verriez si je dis vray ou non.

Phillis qui recogneut bien que ce discours desplaisoit grandement à sa compagne, luy respondit : Je ne croiray jamais que Silvandre ayme Madonte, car il n’en a jamais faict semblant. – Vous vous trompez, interrompit Diane, j’en