Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1073

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vouloir du bien. Et je suis si beste quand j’aime quelque chose, comme vous sçavez en ce qui m’est arrivé de Filandre, qu’il m’est impossible d’aimer peu, de sorte que j’estois pour m’embarquer à bon escient en cette affection. Et Dieu sçait en quel estat il m’eust mise pour peu qu’il eust attendu encores ! J’aimerois mieux, puis qu’il estoit de cette humeur, que luy et moy fussions morts, que si j’eusse retardé davantage à recognoistre son dessein.

Phillis qui voyoit bien que Diane aimoit ce berger, et qui prevoyoit aussi qu’elle ne s’en separeroit jamais qu’avec de tres-mortels déplaisirs : Ma sœur, luy dit-elle, ne croyons point si facilement le rapport de Laonice. Attendons, avant que d’en faire jugement, que Silvandre revienne, je veux croire que vous cognoistrez, quand vous l’ouyrez parler, qu’il n’a point de tort. – Non, non, ma sœur, reprit incontinent Diane, ne parlons plus de cela, la pierre en est jettée, il pourra dire et faire ce qu’il luy plaira, et je sçay ce que j’en dois croire. – Mais, ma sœur, repliqua Phillis, oyez-le avant que de le condamner. – Et quoy ! ma sœur, dit Diane, ne sçavez-vous point encores que jamais personne qui ait escouté Silvandre ne luy donna le tort ? Non, ma sœur, si vous m’aimez, lors que vous me verrez en cette volonté, je vous conjure de m’en divertir. Et parce que je me ressouviens qu’autrefois il a eu un bracelet de cheveux de moy, qui est celuy que je faisois pour vous, je vous supplie de le