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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/170

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bien servy, y donna tel ordre que fort peu de personnes sçavoient, dans sa maison mesme, que je fusse Alcidon, et d’autant plus que j’avois changé de nom en entrant.

Desja la moitié du jour estoit passée sans que j’ouïsse aucune nouvelle de cette belle dame, ou pour le moins, si le jour n’estoit pas tant advancé, il me sembloit bien, tant je trouvois l’attente longue, qu’il fust encores plus tard, et j’en avois une telle impatience qu’il estoit bien mal-aisé qu’elle ne fust recogneue, pour peu que l'on eust de cognoissance de mon dessein. Apres avoir quelque temps supporté cette peine, le desir que j’avois de devancer par la veue le bonheur que j’esperois recevoir ce jour-Ià me fit monter au plus haut d’une tour, feignant de vouloir descouvrir le pays. II n’y eut petit hameau autour de nous, bois ny colline, de qui je ne demandasse le nom, ny isle dans le Rosne, ny rocher, de qui je ne m’enquisse, me semblant de mieux couvrir mon inquietude. Mais rien ne me pouvoit contenter, quoique cette vertueuse dame fist veritablement tout ce qui luy estoit possible pour me rendre ce sejour moins ennuyeux.

Enfin, apres une longue et tres-longue attente, et lorsque je commençois de desesperer de mon bien, je vis venir un chariot du costé par où je sçavois qu’elle devoit arriver, et le montrant à ceste honneste dame, elle demeura