Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/171

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quelque temps à le considerer. En fin, s’estant un peu approchée, elle se tourna vers moy : Si je ne me trompe, me dit-elle, ce chariot vient icy, et si c’est celuy que je juge, vous y verrez l’une des plus belles filles de cette contrée. – Et qui est-elle ? luy respondis-je assez froidement. – Je ne sçay, me dit-elle, si vous l’avez jamais veue avec sa mere en la Cour du roy Torrismond, mais si cela est, je m’asseure que vous vous souviendrez bien de son nom. Car, encore qu’elle soit ma parente, je ne laisseray de dire, avec verité, qu’il n’y avoit rien de plus beau qu’elle, encore qu’elle ne fust en ce temps-là qu’une enfant. C’est, continua-t’elle, la jeune Daphnide.

A ce mot, je fis semblant de ne m’en souvenir que fort peu. Et puis tout à coup : Si fait, si fait, luy dis-je, je m’en souviens : elle avoit son pere et sa mere, avec laquelle elle demeuroit, car elle n’estoit pas des filles de la royne. – Elle n’en estoit pas, dit-elle, pour un sujet que peut-estre vous n’aurez pas sceu, car vous estiez trop jeune ; mais en effet c’estoit une pure jalousie de la royne, qui avoit opinion que Torrismond la vist de trop bon œil ; et toutesfois je vous assure qu’en ce temps-là ce n’estoit qu’une enfant, comme vous jugerez bien lorsque vous la verrez, car il n’y a rien de si jeune qu’elle est encore. – Comment ? luy dis-je, madame, je vous supplie que je ne la voye point, de peur que je ne sois descouvert, et que mon entreprise ne soit rompue. Car si