Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en ce temps-là. Mais puis qu’en ce temps de dueil, nous ne permettons pas mesme à nostre corps de s’habiller autrement que de noir, pour ne mettre rien autour de nous qui ne tesmoigne, et ne nous represente nostre tristesse, à plus forte raison ce triste et desolé Alcidon devoit-il pas, pour esloigner toute resjouyssance de son ame, se priver de ce contentement et de tout celuy qui luy pouvoit venir de vous, qui estes tout son bien et toute sa felicité ? J’esleus donc, pour satisfaire à mon devoir et à mon affliction, de m’interdire l’honneur de vos nouvelles, afin de ne voir ni n’ouyr rien qui me peust divertir de ma tristesse. Mais Amour sçait, et ce miserable cœur aussi, qui vous aime ou plustost qui vous adore, si de tous mes plus cuisants ennuis, il y en a eu un seul qui luy ait esté plus sensible que celuy de se voir esloigné de vostre presence et de vostre memoire. Et deux choses principalement vous le doivent tesmoigner. La premiere, que si ce n’estoit la passion que j’ay pour vous, l’aage où je suis ne me permettroit pas de vivre comme j’ay fait, solitaire et sans amour, parmi un si grand nombre de belles dames. Et l’autre, qu’aussi tost que le temps, par ses diverses revolutions, a guery en quelque sorte l’extréme regret que la perte que j’avois faite m’avoit donné, la continuelle pensée que j’avois de vous ne m’a laissé jamais en repos, que je n’aye eu l’honneur de vous voir, sans que le