Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/21

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la mort. Car ayant conservé son affection jusques en ce temps-là pure et exempte de toute sorte de blasme, elle eust beaucoup plustost choisi de n’estre plus, que de la noircir de la moindre tache d’infidelité, ou de peu de respect. Et toutesfois, suivant la coustume de ceux qui aiment bien, elle retenoit plus souvent ses pensers sur les agreables images que son espoir luy representoit, que sur celles de la crainte, si bien qu’elle commença de trouver le terme de trois jours trop reculé, et accusoit en son impatience ceux qui l’avoient ainsi ordonné sans raison.

Que si Leonide qui sçavoit tous les secrets de son cœur et qui sembloit estre destinée à n’avoir jamais ce qu’elle desiroit, mais à contribuer seulement toute sa peine, et toute son industrie au contentement d’autruy, n’eust par ses doux entretiens, et par ses complaisances ordinaires, accourcy la longueur de ces jours ennuyeux, elle eust passé sans doute une assez fascheuse vie. Mais combien cette attente eust-elle este beaucoup plus difficile à toutes deux, si le berger eust sceu l’impatience d’Astrée, et si Astrée eust esté asseurée que ce n’estoit pas la ressemblance de son berger, mais son berger mesme qu’elle verroit où elle alloit. chercher cette druide ! Et considerez combien Amour est mauvais maistre, et combien il paye mal la peine de ceux qui le servent : il donne à ces amants