Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/22

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tout ce qu’ils sçauroient desirer, car il faict qu’ils meurent d’amour l’un pour l’autre, et il n’y a point de desir en leur ame plus ardent que celuy de cette reciproque volonté ; mais comme s’il estoit jaloux que les humains jouyssent de ces contentemens, qui sont les plus grands que les immortels puissent avoir, il veut qu’ils ignorent le bien qu’il leur faict, et que dans cette ignorance, ils n’en jouyssent point ! Car Celadon ayant esté si cruellement condamne à un eternel bannissement, que pouvoit-il accuser de cette injustice, que le changement de l’amitié de sa bergere ? Et Astreé l’ayant veu precipiter dans les eaux de Lignon , et depuis ayant eu opinion que son esprit estoit revenu vers elle lors qu’elle dormoit, que pouvoit-elle penser, sinon que l’amour du berger n’ayant pu souffrir la cruauté de son commandement, il avoit recouru à la mort pour fuyr l’insupportable sentence de son courroux ? Et cette consideration la tourmentoit de si grands repentirs, qu’elle estoit fort peu souvent seule, qu’incontinent les souspirs ne tesmoignassent le regret de son ame, et les larmes, le cuisant desplaisir qu’elle en avoit.

Le jour enfin tant impatiemment desiré fut devancé et par cette nouvelle druide, et par la nouvelle amour d’Astrée, parce que toutes les deux ne pouvant attendre le lever du soleil, sortirent du lict dés la premiere clarté de l’aurore. Celadon