Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/215

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fille, passant assez prés du lict, entr’ouyt, non pas les paroles, mais trop bien le sifflement qu’en parlant bas on fait pour prononcer quelques lettres, et de fortune cela fut en mesme temps que Delie, soigneuse de nous, s’en revint en la chambre, qui fut cause que cette fille, s’adressant à elle, luy dit qu’elle pensoit que sa sœur fust plus malade qu’elle ne disoit.– Et pour-quoy ? dit Delie. – Parce, respondit la fille, qu’elle resve, car je l’ay ouye parler toute seule. – Et qu’a-t’elle dit ? repliqua Delie. – Je n’ai pas ouy, adjousta la fille, les paroles bien distinctes, mais asseurez-vous qu’elle parle. – Vous estes bien plaisante, reprit Delie. Ne sçavez-vous pas que c’est sa coustume, aussi tost le matin, qu’elle est esveilée, de faire ses prieres et recommandations aux dieux ? Taisez-vous, et n’en parlez point. Cette fille creut Delie, qui, peu apres, s’approcha de nous et nous fit ce conte, nous advertissant de parler un peu plus bas. – Je le feray, luy respondis-je ; mais, belle Delie, ne vaudroit-il pas mieux faire sortir chacun dehors, afin que cette porte me peust estre ouverte ? – Ah ! ah ! dit-elle, en se mocquant de moy, je suis, à cette heure, belle Delie, et tantost j’estois une Diane cornue et qui aimois Pan le vilain pour une toison. Je voy bien que vous avez une ame double, et qui recoit fort bien les enseignemens qu’on luy donne. II faut que vous demeuriez encores où vous estes jusques à ce que vous ayez bien