Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/216

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appris à parler de Diane, car autrement elle seroit en colere et pourroit vous chastier, et nous aussi.

A ce mot, elle s’en alla faire sortir toutes ses filles, et commanda à l’une de faire apporter quelque consommé pour donner à sa sœur, mais, parce qu’elle n’avait gueres souppé, elle en apportast plus que de coutume. La fille revint incontinent avec ce qu’elle luy avoit commandé, et elle, refermant la porte et entr’ouvrant un peu une fenestre, s’en vint l’apporter à sa sœur. Et se jouant, comme de coustume : Je veux, dit-elle, que ce chevalier sorte, pour cognoistre de quelle facon je me sçay venger des injures qu’il m’a faites.

Et lors, ouvrant la porte : Venez donc, chevalier, continua-t’elle, et voyez : de peur que j’ay que vous ne mouriez avant que j’aye eu le loisir de vous faire souffrir les supplices ausquels je vous ay destiné, je vous apporte icy dequoy vous nourrir un peu, car je serois trop marrie que votre trespas devançast mon entiere vengeance.

Elle proferoit ces paroles avec tant de grace, qu’il estoit impossible de s’empescher d’en rire. Et apres que sa sœur eut un peu repris d’haleine : Mais, dit-elle, Delie, comment avez-vous eu ce que vous luy apportez, et ne s’en sera-t’on point apperceu ? – Ouy, respondit-elle, si je n’avois pas plus d’invention que vous. Contentez-vous qu’un de ces jours je vous veux vendre, et que ce sera vous-mesme qui en ferez le marché, sans que vous en sçachiez