Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/267

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veux dire qui ne soit subjecte au changement ! Cependant que nous continuons de nous escrire, le roy continue, de son costé son entreprise, et moy, qui croyois avoir occasion de me rire de luy, je me trouvay enfin estre, non pas le moqueur, mais le moqué. Pardon, ma belle maistresse, si cette verité vous offence ; elle me contraint de sorte que je ne puis luy nier les paroles que vous oyez. – Et bien, bien, Alcidon, interrompit Daphnide, ce n’est pas icy le lieu où je vous veux respondre ; continuez vostre discours comme il vous plaira.

Alors Alcidon reprit ainsi la parole : Le roy, ayant achevé ce qu’il avoit entrepris contre ses ennemis, s’en revint par le mesme chemin qu’il avoit fait en allant, exprés pour voir sa nouvelle maistresse. Et toutesfois, afin que je n’en sceusse rien, il passa le soir avant que son armée estant presque seul, et logea dans sa maison. II avoit tellement choisi ceux desquels il s’estoit fait accompagner, que je n’en sceus rien de long-temps apres, et encore par une rencontre telle que je diray bientost.

Cependant le roy vint en Avignon, où il me fit l’honneur de s’enquerir de moy. Et parce que je recevois un extresme desplaisir de la poursuite que je voyois qu’il faisoit de cette belle dame, je ne me pouvois remettre de la maladie que j’avois eue. Mais, ny bien malade, ny bien guery, j’allois traisnant ma vie avec tant de melancolie, que je n’estois pas cognoissable. Le roy, qui en fut adverti, m’envoya visiter plusieurs fois, et luy-mesme prit la peine de me voir, et toutesfois sans jamais me parler de Daphnide,