Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/270

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alors, et qui faillit de me conduire au tombeau), ne voilà pas un jeune chevalier de la Cour, qui estoit fort de mes amis, le pere duquel servoit le roy en la recherche qu’il faisoit de cette belle dame, qui passa tout contre moy à cheval, sans me recognoistre, ne jugeant pas que celuy qu’il voyoit ainsi seul à ces heures peust estre Alcidon, qu’il sçavoit ne marcher jamais si peu accompagné. Mais passant un peu plus outre, et recognoissant un jeune escuyer qui me servoit, il luy demanda ce qu’il faisait en ce lieu, et luy ayant respondu qu’il attendoit que je me retirasse, il me monstra du doigt : Soudain, ce chevalier, rebroussant chemin, mit pied à terre, et, m’ayant salué, me supplia de luy pardonner la faute qu’il avoit faite, de passer si pres de moy sans me recognoistre. Apres quelques propos communs que nous eusmes ensemble sur ce subject, je luy demanday d’où il venoit et où il alloit. Luy, qui estoit infiniment ignorant de l’amour que je portois à ceste belle dame, et qui n’avoit cognoissance que de celle du roy, par le moyen de son pere, me respondit assez franchement : Je viens d’un lieu où l’on a eu memoire de vous, car je vous en apporte une lettre pour tesmoignage.

Et lors, mettant la main dans la poche, il la prit ; mais ensemble une autre, que je vis toute semblable à la mienne, n’y ayant qu’un chiffre sur le ply. Je reconnus incontinent l’escriture, et mon soupçon me persuada aisément