Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/271

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que celle qui n’avoit qu’un chiffre s’adressoit au roy. Et toutesfois, pour en estre plus asseuré, voyant la franchise dont ce jeune chevalier parloit à moy, en prenant celle qu’il me presentoit, je luy demanday pour qui estoit l’autre. Pour qui peut-elle, estre, me respondit-il, que pour le roy ? Mon pere, qui est tombé malade, me l’a donnée pour la luy porter. II m’en parloit de cette sorte, croyant que je sceusse aussi bien cette nouvelle amour du roy, que je n’avois pas ignoré presque toutes les autres qui avoient devancé celle-cy. Et voyant qu’il y alloit si bonnement, quoy que le coup me fist une profonde blesseure, si ne laissay-je de sousrire, non pas de ce qu’il disoit, mais de sa naïfveté. Et en mesme temps je luy dis : Je croy, mon cher amy, que vous, ny vostre pere, n’estes pas sans peine. – Comment, seigneur, me respondit-il, sans peine ! Je vous jure que jamais tous les voyages de guerre que le roy nous a faict faire, ne nous en ont tant donné que ce traistre et maudit amour, et mesme depuis que le roy, en s’en revenant, alla voir cette belle dame. Et jugez-le par la maladie que mon pere a prise. – Mon cher amy, repliquay-je en l’embrassant, ceux desquels les grands princes se servent en semblables occasions ne sont pas ceux qu’ils aiment le moins. C’est pourquoy vous n’estes pas peu obligé à cette belle dame, qui sera cause, outre vostre merite, que le roy