Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/297

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ay vescu avec vous par le passé, et quel tesmoignage je vous ay donné de ma bonne volonté, je m’asseure que vous jugerez avec moy que la seule necessité de nos affaires me contraint de vous faire la priere que j’ay dilayée jusques icy. Vous sçavez qu’en la fortune où je suis, je n’ay pour envieuses de mon bien que toutes celles qui me voyent, de sorte que j’ay à me garder de toutes, comme de personnes qui voudroient bien estre en ma place. L’affection que vous m’avez promise, et celle que je vous porte vous convient d’avoir soing de moy, mais plus encore vostre propre conservation. Car, encor qu’on ne sçache pas l’estroite amitié qui est entre nous, si est-ce qu’il y a peu de personnes qui n’ayent remarqué que vous avez tousjours porté mes affaires avec passion. Or, les maximes d’Estat veulent que la mesme fortune du chef soit commune à tous les membres, si bien que vostre ruine est toute evidente, si la mienne advient. Je vous ay voulu remettre cecy devant les yeux, afin que vous ne trouviez point estrange ce que je suis contrainte de vous proposer pour nostre conservation.

Vous voyez que Clarinte, soit qu’elle s’appuye sur la grandeur de ses parens, soit qu’elle fasse ce dessein sur la force de sa propre beauté, s’estudie de gagner la bonne volonté d’Euric, et, qui pis est, qu’elle n’y travaille pas du tout en vain, me semblant que ce prince commence de la trouver plus agreable que je ne desirerois.